Cette semaine, Manue vous emmène à la découverte de l’univers spirituel du peintre Marc Rothko.
Marc Rothko, peintre emblématique et atypique américain qui refusa sa catégorisation dans l’expressionnisme abstrait.
Sa peinture contemplative subjugue le spectateur à travers une expérience immersive et spirituelle.
En quête permanente de vérité et de simplicité, il conduit le spectateur au delà de la dimension de la toile.
Mark Rothko : une idée complexe à travers une forme simple
Né à Dvinsk sous l’empire russe en 1923 (aujourd’hui la Lettonie), Marc Rothko obtient la nationalité américaine le 21 février 1938.
Il se suicide en 1970 à New York suite à une dépression due à son incapacité de peindre des grands formats, séquelles dramatiques d’un anévrisme de l’aorte.
Marc Rothko est rapidement classé comme le peintre emblématique de l’expressionnisme abstrait américain, bien que ce dernier refusera toujours cette catégorisation aliénante.
Il est décrit, par ses amis, ayant à la fois une nature anxieuse, irascible et malgré tout pouvant se montrer plein de dévouement et d’affection.
La quête d’universalité au cœur de ses œuvres
« Je me dispute avec l’art surréaliste et avec l’art abstrait comme on se dispute avec un père et une mère »*
La période figurative s’étale sur une période allant de 1924 à 1939. Il s’attache aux scènes urbaines, portraits, nus qui révèlent déjà sa quête de symbole, d’universalité et d’unité.
Il s’en dégage un profond sentiment de solitude et interroge sur la condition humaine.
Mark Rothko, Head of Woman (Sonia Rothkowitz), ca. 1932, huile sur toile, 44,1 x 37,1 cm, Washington, The National Gallery of Art.
Marc Rothko, le faiseur de mythe
« sans monstres ni dieux, l’art ne peut figurer un drame » et « quand ils furent abandonnés comme superstitions intenables, l’art tomba dans la mélancolie ».
Voulant dépasser la portée symbolique de ses œuvres figuratives, il s’inspire du surréalisme pour développer des thèmes mythologiques sur une période allant de 1940 à 1946.
Peindre le fini et l’infini pour soulager le vide fondamental de l’homme moderne.
Cela lui permet ainsi de rendre compte du réel indicible
Mark Rothko, Rites of Lilith, 1945
Le combat entre représentation et abstraction.
« Je ne crois pas qu’il ait jamais été question d’être abstrait ou représentationnel. Il ne s’agit vraiment que de mettre fin à ce silence et à cette solitude, d’ouvrir une brèche et de tendre encore ses bras ».**
Dans sa quête de langage pictural qui parvienne à extraire l’homme de sa mélancolie, il abandonne le figuratif car il estime que cela ne rend pas compte de l’invisible.
Il crée alors des œuvres multiformes qui tentent d’ouvrir un espace inédit et représentatif qui puisse renvoyer à l’irreprésentable.
Il s’affranchit, alors, du cloisonnement figuratif et ses œuvres tendront, dès lors, vers l’abstraction.
Il affine de plus en plus sa quête de vérité, de simplicité autour d’idées complexes.
Cette période de 1946 à 1949 verra apparaître des œuvres appelées “multiforms”.
Mark Rothko, Untitled,1949
L’expérience immersive à travers La couleur et la grandeur
«Ce ne sont pas les relations de formes et de couleurs qui m’intéressent […] mais seulement l’expression des émotions humaines fondamentales».**
A partir de 1949 jusqu’à sa mort en 1970, Mark Rothko inaugure la période “colorfield paintings” qui lui permet de développer un langage pictural satisfaisant ses ambitions.
En 1950, Duncan Phillips réalise le rêve et lance véritablement la carrière de Mark Rothko en achetant plusieurs de ses œuvres et en lui consacrant une salle entière de sa collection.
Mark Rothko room Tate Modern Gallery
Reconnaissable grâce aux bandes colorées dont les variations de proportions, de rectangles horizontaux ou verticaux qui se déclinent selon des rythmes différents, donnent l’impression que l’artiste peint toujours le même tableau.
Comme il le dit lui même, il utilise la vie intime des couleurs en les inscrivant dans le rectangle de la toile. Les couleurs deviennent alors des personnages qui interprètent des drames.
Les lisières estompées et les marges qu’il laisse lui donne du jeu, une liberté de déplacement.
Il s’en dégage une impression de flottement qui nous conduit en dehors des dimensions de la toile .
Mark Rothko, number 10, 1950
Grâce à la technique du glacis (répétitions de couches successives, très fines, très diluées), il obtient un effet de voile.
Elle invitent les spectateurs à les soulever pour découvrir en profondeur les préoccupations universalistes de l’artiste et son questionnement sur la condition humaine.
Il parvient avec ses aplats de couleurs rayonnantes, pures et paraissant immatérielles, à créer des œuvres immersives qui invite à la méditation.
Mark Rothko, Green on Blue, 1956.
Il traduit ainsi la symbolique antique qui lui est chère avec des formes qui rendent compte des sentiments et du drame humain.
Bien que l’expressionnisme abstrait donne à Mark Rothko la liberté d’exprimer ses sentiments, ses préoccupations, il refusa toute sa vie cette catégorisation trop restrictive, considérant lui, qu’il peint de manière réaliste.
Mark Rothko,69th street studio, CA, 1964
Mark Rothko a marqué le monde de l’art à la fois par son génie pictural et son besoin de faire méditer le spectateur sur sa condition humaine.
Il a refusé toutes tentatives de cloisonnement, autant dans sa recherche picturale que dans celle venant des standards du monde de l’art.
Peintre sans concession, Mark Rothko mourra de ne plus pouvoir peindre les grands formats qui étaient l’essence même de sa quête d’infini et de vérité.
A bientôt,
Manue
* Déclaration personnelle in PORTER, D., Personal Statement, Painting Prophety, The Gallery Press, Washington, 1950 repris in COHEN-SOLAL, A., « Entre surréalisme et abstraction 1944-1947 », in Mark Rothko, Arles, France, Actes sud, impr. 2013, 2013, p. 107‑123.
** Extrait d’ une conférence de 1958 au Pratt Institute (Ecrits sur l’art)
Sources:
https://www.aparences.net/periodes/art-contemporain/fr-color-field/