Une fois n’est pas coutume, cette semaine Wonderful–Art vous emmène à la rencontre d’une artiste faisant partie de la nouvelle génération de sculpteurs imprégnée par l’art polynésien, Audrey de Varua art.
La sculpture polynésienne d’aujourd’hui digne héritière de sculpture des origines :
La vitalité de la société polynésienne s’affirme à travers un pouvoir créatif ancré dans la tradition et la diversité de leur production.
La sculpture polynésienne, aujourd’hui, est la digne héritière de la culture polynésienne. Elle la transmet grâce à des gestes ancestraux d’une profonde habileté et d’une indéniable finesse.
L’artisanat polynésien a réussi à garder toute son authenticité. Les méthodes et les techniques sont restées les même.Les herminettes (outil pour travailler le bois) autrefois en pierre taillée,en corail ou en dents de requin ont été remplacées par des ciseaux, des limes, des scies et parfois même par des tronçonneuses.
Les artisans de l’archipel des îles marquises, un des berceau de la culture maohi, ont su perpétuer la finesse et la richesse des motifs des objets d’antan.
L’inspiration des sculpteurs garde son âme traditionnelle en façonnant les tiki (figurines sacrées présentent sur les lieux de culte et issues de rituels sacrés),
Tiki : Maki taua pepe, à Hiva Oa :
ou des objets liés à la guerre (casses têtes, lances et haches).
Casse tête et sceptre marquisien :
ou des instruments de musique ( toere, haatete, pahu, ukulélé )
Toere sculpté :
Haatete sculpté :
Pahu sculpté :
ukulélé sculpté :
Mais aussi des objets du quotidien comme ceux servant à la cuisine (umete et plat à fermenter le popoi (pâte de fruit de l’arbre à pain fermentée).
Umete sculpté :
Aujourd’hui, la sculpture s’ouvre sur d’autres champs de création qui n’étaient pas ou rarement utilisés auparavant,comme des piliers d’habitation, des meubles, des panneaux muraux ou des bijoux.
Audrey de Varua art : la nouvelle génération
Quel est ton parcours?
“Après 1 an en STPAS à la fac, j’ai vite compris que l’université ne me convenait pas… J’ai bossé deux ou trois ans et je suis partie passer le concours du Centre des Métiers d’Art à Tahiti… J’y ai obtenu plusieurs diplômes d’artisan d’art graveur et sculpteur, artisan spécialisé en art océanien.”
Comment es tu venue à la sculpture ?
“J’ai grandi à Tahiti, ma maman ( peintre amateur ) m’a trimbalée pendant des années chez les artisans et dans des villages d’artisans… La passion pour l’art océanien est née grâce à ma mère.”
Qu’est-ce que cela représente pour toi?
“La liberté, le rêve et le paradoxe entre la finesse d’une sculpture et la force physique qu’il faut parfois avoir pour les réaliser.”
En quoi ces artisans t’ont ils touchée au point de vouloir en faire ton métier?
“L’amour pour leur culture et l’histoire de leur peuple,leur simplicité.Et leur talent forcément. La Polynésie est un réservoir d’artistes.”
La sculpture est un art prépondérant dans l’art océanien?
“Oui,depuis les années 80, la sculpture, la gravure, le tressage et le tatouage reviennent au premier plan.”
L’art de la sculpture est-il lié à la spiritualité et en quoi? ou, est-il juste esthétique ou politique?
Déesse sculptée finement :
“Je dirais qu’il était lié à la spiritualité avant l’arrivée de l’évangile… Pour moi aujourd’hui les deux sont liés , la spiritualité et l’esthétique…”
“Pour ce qui est de la politique, je ne m’étendrais pas sur le sujet.”
Est ce que la spiritualité influence ton travail et en quoi? y a t-il des choses tabous? ou des croyances qui dictent des règles de fabrication?
“Pour moi, chaque objet a une vie, une histoire… Sculpter un objet, c’est lui donner vie… Je n’ai pas de tabou dans la sculpture… Mais j’en ai en ce qui concerne les matières premières comme la pierre par exemple , ne pas les prendre n’importe où pour ne pas dénaturer un lieu.”
“En Polynésie, c’est important de ne pas se servir n’importe où et n’importe comment , il faut respecter les lieux et les ancêtres.”
Quelles sont les matières que tu travailles? et laquelle a ta préférence?
“Je travaille le bois, la pierre, l’os, la corne et la nacre… Ma préférence va pour le bois et la pierre… Epreuve de force pour travailler ces matières… D’où le paradoxe entre la force physique et la finesse de l’objet une fois réalisé.”
Pendentif :
Quelles sont les étapes indispensables à la réalisation d’une pièce?
“Étape indispensable en premier lieu, c’est le dessin… Puis la réalisation de gabarit ( comme en couture) trouver la matière, bois, pierre, os ou autre… Dégrossir la matière, l’ébaucher pour commencer à lui donner forme… Après ça, l’étape la plus longue est la finition… Poncer l’objet, réaliser l’ornement s’il y en a et finir par le cirage”
Boite et siège sculpté :
De quoi t’inspires tu et comment définirais tu ton style?
“Je ne sais pas si j’ai un style prédéfini… Mais le style qui m’influence le plus est celui de l’art océanien… On va dire que je suis dans le style ethnique”
Est ce que la pratique de la sculpture est un moyen de faire perdurer cette tradition et/ou de la renouveler?
“C’est une façon pour moi, non pas de faire perdurer la culture, mais de la renouveler, de la transcender et de la promouvoir”
Flûte et pendentif :
Qui a t-il de plus fascinant et de passionnant pour toi dans ce travail?
“L’histoire de ce peuple me passionne… Etudier un objet réaliser il y 500 ou 1000 ans est exaltant… Trouver un maximum de documentation pour comprendre pourquoi il a été réalisé et dans quel but… Et en décliner de nouvelles formes… C’est passionnant.”
Pendentif en bois :
Quelles sont les plus grandes difficultés que tu puisses rencontrer lorsque tu travailles?
“Trouver du bois sec en gros bloc en France me pose des problèmes… Dans le travail, notamment pour les grosses pièces ce sont les douleurs et les coupures des mains… Mais ces difficultés sont vite effacées par la satisfaction d’un bel objet terminé.”
“S’adapter à la matière car ce n’est pas elle qui s’adapte au sculpteur… Il faut la comprendre en quelques sortes… On rencontre souvent des difficultés comme des nœuds dans le bois, par exemple.”
Penu en basalte et pendentif :
Quel serait pour toi, le plus grand défi ou la plus belle des réalisations que tu aimerais faire?
“Le plus grand défi serait d’ouvrir une galerie d’art océanien en France pour promouvoir les jeunes artistes polynésiens en devenir…et la plus belle des réalisations, serait de sculpter un énorme Tiki pour mettre devant les portes de l’Elysée…je blague, mais j’aimerais beaucoup sculpter de grosses pièces pour le musée du quai Branly par exemple.”
Quels sont tes projets à plus ou moins long terme?
“Le projet qui me trotte dans la tête depuis plus de 10 ans, serait d’ouvrir une galerie… Mais pour l’instant, c’est de continuer à sculpter car en vivre est un problème… Peut être me lancer dans le tatouage et voyager pour continuer à apprendre beaucoup sur cette culture polynésienne.”
Que signifie ton nom d’artiste?
“Varua en tahitien veut dire esprit”
Connais tu un proverbe tahitien qui résumerait ta passion?(en tahitien)
» haere maru , haere papu » aller doucement , aller surement…
“Maruru”(merci) Audrey pour cet entretien et le partage de ta passion avec nos lecteurs.
Comme nous avons pu le voir dans cet article, la renaissance d’une culture, peut associer tradition et modernité sans dénaturer celle ci au profit d’un mercantilisme de mauvais goût. Cela passe bien par un respect des gestes ancestraux, une qualité, un amour inconditionnel et l’esprit du travail bien exécuté dans les règles de l’art.
Ces artistes de la nouvelle génération ne seraient-ils pas les nouveaux gardiens des traditions ancestrales?
Sources :
Varua art sur facebook
Informations supplémentaires sur la sculpture polynésienne
Centre des Métiers d’Art Tahiti
Service de la culture et du patrimoine
Autres informations supplémentaires sur la sculpture polynésienne
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