Cette semaine Wonderful-art vous emmène à la découverte d’une des plus anciennes civilisations précolombiennes.
Considérée comme la mère de toutes les civilisations andines, la culture Chavín reste une des plus mystérieuses malgré les nombreuses fouilles effectuées à ce jour…
Le site archéologique de Chavín est l’un des plus anciennement connu et célèbre du Pérou, il doit son nom au village de Chavín de Huántar, dans la haute vallée des Andes péruviennes.
Contemporain des grands bâtisseurs égyptiens, la civilisation Chavín est au Pérou ce que la civilisation égyptienne est à l’Afrique : un des joyaux de l’antiquité.
C’est au XVe siècle lors de la conquête espagnole que l’existence du site de Chavín est évoquée par des chroniqueurs de l’époque.
Ce n’est qu’au XIXème siècle qu’Alexandre de Humboldt, Antonio Raimondi et Ernst W. Middendorf s’intéressent aux ruines.
Julio C Tello, lui, sera l’un des premiers à comprendre que la civilisation Chavín est la matrice de toutes les civilisations andines.
La découverte d’une civilisation exceptionnelle :
C’est en 1919, que l’archéologue Julio C. Tello étudiera le site et y verra l’origine de la civilisation andine et écrira :
« Aucune autre civilisation préhistorique des Andes ne présente des caractéristiques aussi marquées que la civilisation de Chavín… »
Grâce aux découvertes archéologiques, les chercheurs ont pu mettre à jour un certain nombre d’élément qui nous donne un tableau de ce qu’était la civilisation Chavín .
La civilisation Chavín se développa entre 1500 et 300 av. J.-C sur le haut plateau des Andes au nord du Pérou.
La structure de la civilisation Chavín se décline en 3 classes sociales :
-
Les prêtes possédaient le pouvoir politique et religieux, leur influence s’étend du nord des Andes jusqu’à la côte centrale du pacifique.
-
les artisans développaient des techniques complexes notamment en ce qui concerne le travail du bronze, du textile et de l’architecture .
-
Et enfin les agriculteurs maitrisaient, eux, des techniques d’élevage et de culture indispensables à la croissance de cette civilisation dans une région hostile.
Chavín, avec l’expansion de son influence jusqu’à la jungle du Pérou, devient un centre cérémoniel et de pèlerinage qui accueille des populations issues de tout le territoire andin.
Les découvertes d’objets rituels et du quotidien, ainsi que la configuration des lieux ont permis de constater que Chavín était le point de convergence religieux, culturel et idéologique.
Le site de Chavín, haut lieu culturel et religieux :
La mise au jour du site a permis de découvrir de nombreux objets rituels et du quotidien, qui laissent à penser qu’ils maitrisaient un bon nombre de techniques notamment le travail du bronze et de l’or ; très avancé pour l’époque (Ils maitrisent la soudure, l’alliage de l’or et de l’argent).
Ils maitrisaient aussi d’autres formes d’artisanat comme la poterie et la céramique qui reste la plus magnifique du Pérou précolombien.
La domestication du lama et son élevage, leur ont permis de mettre en place des techniques de tissage élaborées, développant ainsi le négoce d’étoffes douces et raffinées.
La maitrise des techniques artisanales, commerciales et les échanges avec des populations venues des quatre coins du pays ont fait de Chavín de Huántar une cité prospère mais pas seulement.
Le plus impressionnant reste les innombrables pierres taillées et les édifices religieux, qui nous indique que Chavín de Huántar était aussi un site sacré important, où réside la plus grande expression des arts et des techniques décoratives de cette époque.
Les gravures découvertes sur le site représentent tout une iconographie symbolique zoomorphique et anthropomorphique d’une grande richesse.
Elle est en grande partie tournée vers le culte du jaguar, du puma, du lama et des rapaces, qui sont gravés en bas relief, sur les tombes, poutres et sculptures monolithiques en granit.
Mais cette iconographie et la symbolique exacte reste encore obscure à ce jour.
La stèle de Raimondi en est le plus extraordinaire exemple avec ses 1.95 m de haut sur 0.74 m de largeur. Cette stèle est une représentation divine appelée “Dieu au Bâton”, car il en a un dans chaque main mais il possède aussi des traits anthropomorphes associés aux attributs anatomiques d’animaux.
Les rituels effectués par les prêtres consistaient sans doute à des rites sacrificiels et en l’absorption d’hallucinogènes, comme le “san pedro” issus du cactus qui permettait de rentrer en transe afin d’interpréter les oracles.
Mortier pour la préparation de substances psycho actives – 900-550 BC
Les oracles aidaient sans doute à prédire les problèmes climatiques comme “el niño”, les sècheresses, les inondations ou les tremblements de terre…
Nul doute, que la convergence de tous ces éléments ait permis à la civilisation Chavín d’étendre son influence culturelle, artistique et religieuse.
Ce site reste l’un des joyaux de la culture précolombienne de part sa configuration architecturale et sa taille imposante (12 000m2).
Un complexe architectural unique :
En 1616, Vasquez de Espinoza, un chroniqueur de la conquête espagnole, se rendit sur les lieux et écrivit :
« Tout près du village de Chavín, se trouve un grand bâtiment en pierres taillées, d’une hauteur remarquable. C’était l’un des plus célèbres sanctuaires païens – comme le sont pour nous Rome et Jérusalem – où les indiens venaient offrir leurs sacrifices, car l’esprit des lieux disait l’oracle, et c’est pourquoi ils venaient des quatre coins du royaume… »
Le site de Chavín se caractérise par de nombreux bâtiments en pierre taillées, de terrasses autour de places. Il possède un dédale de galeries ayant tout un réseau complexe de canalisations et de conduits de ventilation, très avancé pour l’époque.
Les bâtiments en forme de pyramide de pierres sont percés de nombreuses chambres et de passages intérieurs, ornés de bas relief, représentant des figures stylisées d’apparence humaines et animales.
Les 2 principaux bâtiments se déclinent ainsi :
El Castillo ou Templo Tardio (Temple tardif) en est le bâtiment principal, mais El Templo Lanzón ouTemplo Temprano (Temple primitif) lui est plus ancien.
>El Castillo :
El Castillo est un gigantesque cube de 70m de côté sur 10m de haut, dont la structure pyramidale possède trois plateformes superposées, l’ intérieur, lui est constitué de nombreuses galeries.
Sur l’une des façades, le temple possède un énorme portique appelé “La Portada”, dont les colonnes et les linteaux sont ornés de félins.
Des escaliers latéraux donnent accès soit au second étage soit à la plateforme supérieure.
Les vestiges montrent que le sommet possédait deux édifices identiques, que de chaque côté du bâtiment étaient ornés de têtes-clous en pierres sculptées et encastrées dans la maçonnerie appelées ‘Cabezas Clavadas”.
Ces dernières, dont il ne reste qu’un exemplaire visible, ont une fonction qui reste de l’ordre de la spéculation, elles seraient des gardiens servant à éloigner les esprits, une représentation des têtes décapitées d’ennemis ou servaient simplement de potences.
>El Templo Lanzón :
Plus ancien, le temple du Lanzón, est précédé de deux places circulaires, elles sont entourées de stèles représentant des personnages ailés à tête de jaguar.
Ce temple possède de nombreuses galeries et souterrains qui servaient probablement à amplifier le son des voix.
Les prêtres y élaboraient leurs rituels car les fouilles ont mis à jour beaucoup de poteries, d’objet en pierre, de reste de sacrifices humains et d’animaux.
La galerie la plus importante appelée “La Galeria Del Lanzón” renferme un monolithe, “Lanzón Monolitico”, qui est dédié à l’une des principales divinités Chavín.
Haute de 4,60m, elle est taillée à l image du dieu “Dios Sonriente” (Le Dieu Souriant), représentant la fécondité de la terre et les saisons.
Son apparence effrayante, de par sa tête de félin, est renforcée par une gouttière creusée dans la partie frontale supérieure qui laisse supposer, qu’une chambre sacrificielle était présente au dessus du monolithe pour que le sang puisse s’écouler sur la tête du dieu, jusqu’à sa bouche.
Entre ces deux bâtiments principaux, il y a aussi la “Plaza Cuadrangular Hundida” (Place Enfouie), de 48 m de côté.
L’obélisque Tello qui se dressait en son centre. Principale œuvre d’art taillée dans la pierre, représente une métaphore de l’univers tel que le concevait les Chavíns.
Ornée de deux lézards, de deux caïmans ou deux félins, un mâle et une femelle représentent les pouvoirs qu’ils ont sur la terre, c’est derniers sont délivrés par des messagers que sont le jaguar et l’aigle.
Deux bâtiments similaires se faisant face au Nord et au Sud de la place.
Il s’agit probablement des tribunes destinées à recevoir le public venant assister aux cérémonies.
Un curieux rocher, dit “Choque Chinchay”, se trouve à l’angle Sud-Ouest de la place. Sept cupules y sont creusées délimitant vaguement la silhouette du Dieu-jaguar et représentant sept étoiles de la constellation d’Orion, dominant le ciel équatorial pendant la saison des pluies.
L’étendue du site et les nombreux bâtiments, places et galeries qui le composent ainsi que les éléments décoratifs, ont fait de Chavín de Huántar la plus exceptionnelle et mystérieuse cité précolombienne découverte à ce jour.
La disparition de la civilisation Chavín et l’abandon de la cité aux alentours de 200 av J-C, reste lui aussi un grand mystère, il n’en reste pas moins le témoignage de ce qui donnera naissance à d’autres civilisations andines toutes aussi extraordinaires.
A bientôt,
Manue
Sources :
http://civilizationsdisparues.wordpress.com/2013/03/29/la-civilisation-chavin/
http://whc.unesco.org/fr/list/330/
http://www.insecula.com/salle/EP0309.html
superbe article; complet et très instructif