C’est en découvrant « les nanas de Niki de Saint Phalle », qui pourtant m’étaient inconnues mais pour lesquelles j’avais un impression de déjà vu, que j’ai voulu savoir d’où me venait ce sentiment.
Quelles étaient les sources d’inspiration de Niki ?
Avaient elles une signification spirituelle ou étaient-ce simplement « de drôles de bonnes femmes ? »
C’est ce que vous allez découvrir dans la suite de cet article
Les Nanas de Niki de Saint Phalle
C’est à partir de 1964 que Niki (1930-2002) réalise en papier mâché, grillage, puis résine de polyester, des poupée grandeur nature, ou monumentales, de femmes plantureuses et colorées appelées « Les Nanas ».
Elles sont borgnes, parfois réduites à l’état de tronc et elles défient les lois de l’anatomie, de la pesanteur, afin d’adopter les postures les plus débridées !
Elles sautillent, rebondissent, virevoltent en tous sens…. C’est à partir de 1965, que Niki se met à les peindre de couleurs vives, tantôt blanches ou noires, sans différence de races ni de cultures.
“Mais ces Nanas font en fait références à des créations datant de l’art figuratif dès –40 000 ans environ : les fameuses Vénus Paléolithiques !”
Vous m’en direz tant, creusons un peu…
Les Vénus Paléolithiques… Mystère de la fécondité
Le nombre de Vénus paléolithiques connu est très important : près de 250.
Nous les trouvons réparties un peu partout : en France (Pyrénées et Dordogne), en Angleterre, en Italie, en Allemagne, dans plusieurs pays de l’Europe de l’est, en Russie y compris la Sibérie.
La vénus de Willendorf (Autriche). Haute de 110mm
en calcaire oolithique, une des plus connue.
La Vénus de Lespugne (Haute-Garonne ). Haute de 147 mm,
taillée en ronde-bosse dans une pièce d’ivoire de mammouth,
l’une des plus belle et des plus intéressantes.
On distingue deux styles, deux époques dans les représentations de femmes : au Gravettien (environ de – 29 000 à – 22 000 ans), les figurations féminines sont réalistes, au Magdalénien (environ de -17 000 à – 10 000 ans) elles seront plus schématiques.
Ces statuettes sont loin de suivre un canon unique exaltant les formes généreuses de femmes, peut-être enceintes : il y en a aux belles fesses (callipyges), d’autres aux fesses et hanches grasses (stéatopyges) et certaines plus longilignes. Elles ont dans l’ensemble une attitude figée, leur visage est rarement figuré alors que le corps est assez réaliste. En fait, ces statuettes n’ont qu’une seule caractéristique commune, leur absolue nudité (elles portent parfois seulement un bracelet ou un collier) !
Ces statuettes s’inscrivent dans des organisations schématiques (comme ci-dessous) : c’est à dire le corps dans un losange à grand axe vertical et les seins, l’abdomen, les fesse hypertrophiées dans un cercle (cette partie centrale est toujours exagérée).
Les membres supérieurs ou inférieurs sont négligés, quand à la tête, les traits du visage ne sont pas représentés (sauf 2 exceptions : la Dame de Brassempouy et tête de Dolni Vestonice)
Vénus de Kostienki (Russie). En calcaire,
portant des traces de coloration rouge.
La fonction exacte de ces statuettes est inconnue (certaine étaient employées comme des objets de parure grâce à un trou de suspension) bien que certaines aient été découverte dans un contexte archéologique évoquant des rituels (ces deux hypothèses de fonction ne sont d’ailleurs pas exclusives).
C’est certainement lors de rituels que de nombreuses statuettes ont été volontairement brisées, les morceaux étant ensuite dispersés dans l’habitat, elles perdaient toute valeurs dès le rituel accompli car seule la pratique magique et spirituelle (respect des forces élémentaires comme le foyer, le sol des ancêtres…) leur prêtait un sens (elles ont été découverte aux mêmes endroits que des objets quotidien brisés ou rejetés ce qui prouvent leur perte de valeur spirituel, restant des objets d’art populaire).
Certaines d’entre elles recevaient des offrandes (pattes de bison, outils), tandis que d’autres étaient ensevelies dans des petites fosses qui leur étaient destinées souvent non loin du foyer, point vital du groupe : autels privés pour un culte rendu à des entités particulières – ancêtres, forces, esprits -, intention de protection contre ce qui pourrait être nuisible (en particulier la santé), sacralisation de l’espace, ….
Ces Vénus représentent le mystère de la fécondité et de la vie humaine, que porte la femme. Elles peuvent également indiquer l’appartenance à un groupe, sachant que certaines cultures pratiquent la matrilocalité (c’est à dire que le foyer principale se trouve dans l’habitation des femmes, les hommes étant alors des pièces rapportées, provenant d’un groupe extérieur – notamment pour éviter les problèmes de consanguinité et favoriser les alliances, l’homme pouvant partir quand il le souhaite puisque la femme reste sur place, chez elle), voire la transmission du statut ou du rôle social uniquement par le lignage de sa mère.
Vous comprendrez que Niki de Saint Phalle, en s’inspirant de cet art préhistorique, a voulu se réconcilié avec la féminité et la vie. Explorer la représentation artistique du rôle de la femme, à son époque où celle-ci cherche à gagner ses lettres de noblesses en tant qu’artiste. Niki gagnera d’ailleurs sa place dans le camp des artistes féministes en inondant son univers d’images de femmes et de couleurs éclatantes en signe de révolte. Ses statues, installées dans des parcs, sur des places, mènent une révolution ludique contre le monde des hommes et du béton.
Ces nanas sont les images éternelles, spirituelles de la maternité et de la féminité triomphantes comme le sont ces Vénus mais pourtant presque 42000 ans les séparent.
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Sources :
Hominides
Collectifs 12 singes
Dossier Nicky
Pour visiter le site officiel de Niki de Saint Phalle : cliquez ici http://www.nikidesaintphalle.com/
Amusant ! L’an dernier, pour les 100 ans de la Vénus de Lespugue, le musée de l’Aurignacien (Aurignac, 31) avait installé une splendide exposition sur les Vénus préhistoriques et nous étions quelques classes à participer au projet ‘La classe, l’oeuvre’ … Toutes les classes se sont retrouvées autour des Nanas de Niki de St Phalle sans nous être concertées….